La Pierre et Saint-Sernin de Toulouse (Dennis Aubrey) translated by Arnaud Sergent


This is a translation of “The Stone and Saint Sernin” by Arnaud Sergent.

Nous avons déjà beaucoup écrit sur les églises de pèlerinage le long du chemin de Compostelle : Conques, Vézelay, Le Puy, et bien d’autres. Cet article va parler de la superbe basilique Saint-Sernin de Toulouse, et du rôle qu’elle a joué dans l’unification de la France.

Les dates de construction de la basilique ne sont pas complètement claires, mais il semblerait que les travaux aient commencé vers l’an mille. Le chœur fut consacré en 1096 et l’église dédiée au premier évêque et martyr de la ville Saint-Saturnin (pas la suite déformé en Sernin). Saint-Sernin est une des églises de pèlerinage les plus remarquables et très possiblement fut le modèle pour la Cathédrale de Santiago de Compostelle. Elle a en effet les mêmes doubles bas-côtés et un déambulatoire avec des chapelles radiales.

Nave, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne)  Photo by Dennis Aubrey
Nef, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne) Photo de Dennis Aubrey

Cette basilique a également joué un rôle, certes mineur, mais important dans l’unification de la France. Lors de la croisade des Albigeois, les « croisés » menés par Simon de Montfort affrontèrent Le Comte de Toulouse Raymond VI, allié de Pedro II d’Aragon.

Jusqu’à ce jour, le nom de Simon de Montfort continue de déchainer les passions, enthousiasme comme haine. Personne ne conteste sa morale exemplaire et le fait que ses troupes l’adoraient. Regardé comme un instrument des Cieux et de la justice divine au sommet de la Chrétienté, le pillage brutal du Midi lui a attiré la haine tenace de ses victimes, que leurs descendants ont conservé jusqu’à nos jours. Montfort était un grand leader militaire et a battu Pedro et Raymond de façon décisive à la bataille de Muret en septembre 1213. Pedro fut tué mais Raymond continua la lutte et Toulouse, la capitale de l’ancien royaume Wisigoth fut successivement occupée par chaque camp, souffrant énormément à chaque fois. En 1215, Raymond profita de l’absence de Montfort pour revenir et reprendre les rênes de la ville.”

Nave elevation, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne)  Photo by Dennis Aubrey
Elévation de la nef, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne) Photo de Dennis Aubrey

Montfort revint immédiatement et assiégea la ville. Le 25 juin 1218 vit le retour de la bonne fortune des toulousains. Sortant de la messe à Saint-Sernin ( ?), dans une église encore incomplète suite aux ravages de la guerre, Montfort fut tué par une pierre lancé depuis le toit de l’église par un mangonneau devant les remparts de la ville. La légende prétend qua la pierre fut lancée par donas e tozas e mulhers (dames, filles et femmes).

Side aisle, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne)  Photo by Dennis Aubrey
Bas-côté, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne) Photo de Dennis Aubrey

La mort de Montfort changea le caractère de la croisade. Son fils Amaury de Montfort fut incapable de conserver les terres conquises par son père et renonça à tous ses droits sur l’Occitanie en faveur de la Couronne. A partir de là, la lutte devint politique. Blanche de Castille, régente de son fils Louis IX résolut le problème avec le traité de Paris-Meaux en 1229. La fille unique de Raymond VII, Jeanne de Toulouse se maria à Alphonse de France, comte de Poitiers en 1234 dans le cadre du traité. Les termes du traité stipulaient que si le couple décédait sans enfants, le Languedoc reviendrait à la couronne de France.

Alphonse et Jeanne moururent tous deux lors de leur retour de la huitième croisade de Louis IX, où le roi mourut également, et les Capétiens héritèrent alors de la Province de Languedoc comme domaine du royaume de France.

Side aisle, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne)  Photo by PJ McKey
Bas-côté, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne) Photo de PJ McKey

Il est intéressant de constater que juste quelques années avant la mort de Montfort, Philippe Auguste emporta une bataille importante à Bouvines (27 juillet 1214) contre les anglais, les flamands, et les troupes impériales germaniques assemblés contre lui. Cette bataille mit fin à l’empire Plantagenêt sur le continent et amena l’Anjou, le Maine, la Bretagne, la Normandie et la Touraine dans le royaume de France. Cette bataille eut également un effet curieux sur l’Angleterre elle-même_ l’année suivante, les barons anglais forcèrent le roi Jean à signer la Magna Carta.

Dans le cours de quelques décennies, les possessions de la monarchie Capétienne s’accrurent du domaine royal autour de l’ile de France à un territoire beaucoup plus proche de la France actuelle.

Map of the Capetian kingdom expanded during the reign of Philippe Augustus (Source Wikipedia.fr; GNU Free Documentation License.)
Carte de l’extension du royaume Capétien sous le règne de Philippe-Auguste (Source Wikipedia.fr; GNU Free Documentation License.)

De nos jours, la grande basilique toulousaine ne conserve plus de trace des terribles guerres qui achevèrent le mouvement cathare dans les terres de langue d’oc. Saint-Sernin, à la voûte en berceau, est un superbe monument symbolisant les aspirations plus paisibles de nos ancêtres.

Ambulatory, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne)  Photo by PJ McKey
Déambulatoire, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne) Photo de PJ McKey

Saint-Sernin est connue pour sa superbe brique rose et ses magnifiques sculptures qui parent l’église. De nombreux chapiteaux coiffent les colonnes, un tympan décore l’entrée, et de remarquables sculptures romanes se trouvent le long du déambulatoire.

Altar detail, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne)  Photo by PJ McKey
Détail de l’autel, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne) Photo de PJ McKey

Ces plaques sculptées, construites dans le déambulatoire, sont taillées dans le marbre. Le Christ en majesté est le plus fameux, et date du début du 12ème.

Christ in mandorla, ambulatory Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne)  Photo by Dennis Aubrey
Christ en Majesté, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne) Photo de Dennis Aubrey

Le tympan de la porte de Miègeville date de la première ou deuxième décennie du 12ème siècle et a été influencé par les bas-reliefs de sarcophages chrétiens primitifs. Cette Ascension marque le début du renouveau de la sculpture médiévale monumentale. A peine une génération après son apparition à Saint-Sernin, chaque grande cathédrale et abbaye en France seront ornées de ces compositions sculpturales.

Miègeville portal tympanum, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne)  Photo by Dennis Aubrey
Le tympan de la porte de Miègeville, Basilique Saint Sernin, Toulouse (Haute-Garonne) Photo de Dennis Aubrey

Aujourd’hui, l’occitan est redevenu à la mode (on peut le voir sur les panneaux et l’entendre sur les marchés). Mon père se souviens avec plaisir d’un collègue s’exclamant enthousiaste “on parle la meilleure franchese en Toulousa”. Et Simon de Montfort est toujours honni.
Mais personne n’aurait pu prédire les extraordinaires conséquences de l’acte de guerre d’un groupe de femmes et enfants un jour de juin 1218. La pierre qui a écrasé le crâne du leader de la croisade a pavé la voie pour le passage de l’antique royaume de Toulouse dans les mains du détesté roi de France.
Coordonnées GPS : 43.608489° 1.442185°

En tant que toulousain, cette histoire est effectivement étonnement présente dans notre mémoire collective. Par contre, on m’a toujours raconté que la pierre fatale fut lancée depuis les remparts de la ville, et non depuis Saint-Sernin. C’est d’ailleurs à l’emplacement de remparts que se situe aujourd’hui la plaque commémorative de l’événement (voir photo plus bas).

Simon de Montfort est effectivement l’infâme envahisseur barbare venu de nord anéantir la plus grande civilisation occidentale du moyen-âge qui était sur le point (avec l’alliance entre la Comté de Toulouse et le Royaume d’Aragon) de constituer une entité très puissante, et à la culture florissante. Pensez simplement aux troubadours de Langue d’Oc et à l’académie des jeux floraux. Je me souviens parfaitement venir en CM1 avec mon institutrice en « pèlerinage » au pied de la plaque commémorant la mort de l’infâme pour nous féliciter que même notre indépendance perdu, au moins Simon de Montfort avait été tué par les occitans.

Plaque commémorant la mort de Simon de Montfort au 35 allées Jules Guesde à Toulouse – photo internet
Plaque commémorant la mort de Simon de Montfort au 35 allées Jules Guesde à Toulouse – photo internet

Ceci dit, l’école de la troisième république a beaucoup plus fait pour définitivement tuer l’occitan que Simon de Montfort. Le revival auquel fait allusion Dennis dans son texte est avant tout folklorique et patrimonial. C’est certes mieux que rien, mais l’usage courant de la langue, encore courant à l’époque de mes grands-parents a bel et bien disparu. Reste une ville et une région superbe symbole d’une civilisation riante et raffinée qui a illuminé 2 siècles du Moyen-Age.

Arnaud Sergent

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